Santé à Bordeaux : en 2023, le CHU local a réalisé 52 000 interventions chirurgicales, soit +8 % par rapport à 2019. Un bond qui illustre la vitalité — mais aussi la pression — du système bordelais. Le budget municipal alloué à la prévention a, lui, progressé de 12 % en 2024, dépassant 6 millions d’euros. Ces chiffres rappellent qu’entre innovations de pointe et défis démographiques, la capitale girondine façonne un modèle sanitaire singulier. Décryptage.
Innovations médicales : Bordeaux accélère
Bordeaux a longtemps brillé pour son vin et son patrimoine du XVIIIᵉ siècle ; elle s’impose désormais comme un hub d’innovations médicales.
L’imagerie photon-counting, une première française
Depuis février 2024, l’unité de radiologie du CHU Pellegrin utilise un scanner photon-counting de dernière génération, premier exemplaire installé hors Île-de-France. L’appareil améliore la résolution spatiale de 35 % et réduit la dose de rayons X de 40 %. Résultat : diagnostics précoces, notamment en oncologie thoracique, avec une sensibilité qui atteint 94 % pour les nodules pulmonaires subcentimétriques.
Thérapie génique hépatique
Fin 2023, l’équipe du Professeur Denis Malvy a mené un essai de phase I sur dix patients atteints de déficit en ornithine transcarbamylase. Les premières données montrent une augmentation médiane de l’activité enzymatique de 18 %, sans effet indésirable grave. Cette avancée aligne Bordeaux sur les travaux du Boston Children’s Hospital, référence mondiale.
D’un côté, ces percées attirent startups et investisseurs (le fonds régional « NéoSanté » a levé 30 M€ en 2023). Mais de l’autre, le manque de lits de soins critiques — taux d’occupation supérieur à 90 % depuis janvier 2024 — menace la capacité d’absorption clinique.
Quels nouveaux centres de soins primaires à Bordeaux ?
La pénurie de médecins généralistes en Gironde a poussé la Ville et l’ARS Nouvelle-Aquitaine à soutenir des structures pluridisciplinaires.
- Mars 2023 : ouverture de la Maison de santé Charles-Perrault (quartier Bacalan), 9 praticiens, horaires élargis jusqu’à 20 h.
- Novembre 2023 : pôle de téléconsultation « Médoc-Connect » à Lesparre, relié au CHU via fibre optique sécurisée.
- Avril 2024 : inauguration du Centre de santé universitaire Victor-Segalen, cofinancé par l’UBordeaux et la Région. Capacité : 18 000 consultations annuelles, ciblant les 66 000 étudiants métropolitains.
Qu’est-ce que cela change pour les habitants ? Les temps d’attente pour un RDV de médecine générale ont chuté de 28 jours en 2022 à 17 jours début 2024 selon Doctolib. Cette baisse, bien que notable, reste au-dessus de la moyenne nationale (12 jours).
Prévention : comment agir au quotidien ?
Les Bordelais disposent d’outils concrets pour réduire les risques cardio-métaboliques et respiratoires.
- Dépistage mobile : le bus « Avance ta Santé » sillonne la CUB chaque jeudi. Tension artérielle, HbA1c et spirométrie gratuits pour les plus de 45 ans.
- Application “Bordeaux Respi” (lancée juillet 2023) : indice pollinique en temps réel, alertes personnalisées pour 12 000 asthmatiques inscrits.
- Coupons Gym Seniors : 50 % de réduction sur les activités physiques, financés par le CCAS depuis janvier 2024.
Pourquoi ces mesures ? En 2022, le taux d’obésité en Gironde a atteint 16,3 % (Santé publique France), dépassant le 15 % national. L’objectif officiel est de le stabiliser d’ici 2025 grâce à un mix d’activité physique (cardio, musculation douce) et d’éducation nutritionnelle, inspiré du programme finlandais Nord Karelia des années 1970.
Zoom vaccination grippe 2023-2024
Le CHU a franchi 74 % de couverture chez les plus de 65 ans, soit +6 points vs 2022. L’écart urbain-périurbain subsiste : 80 % à Caudéran, seulement 60 % à Lormont. Des unités mobiles seront déployées aux marchés du dimanche pour corriger ce différentiel.
Politiques de santé locale : ambitions et contraintes
Bordeaux s’inscrit dans « Ma Santé 2022+ », déclinaison régionale du plan gouvernemental.
Qu’est-ce que « Ma Santé 2022+ » à Bordeaux ?
Il s’agit d’un ensemble d’actions coordonnées (télé-expertise, assistant médicaux, CPTS) visant à fluidifier le parcours patient. Lors de son lancement local en mai 2023, le maire Pierre Hurmic a souligné la création de 215 postes paramédicaux d’ici 2025. Objectif : libérer 20 % du temps médical pour la consultation.
Cependant, la Cour régionale des comptes alerte : la dette du CHU a atteint 142 M€ en 2024, dont 40 % imputables à la rénovation des blocs opératoires du Tripode. De plus, 17 % des infirmiers déclarent vouloir quitter l’établissement dans l’année (enquête interne, janvier 2024). Le risque de « burn-out collectif » pèse sur la stratégie.
Approche environnementale
Bordeaux Métropole ambitionne la neutralité carbone en 2050. Le secteur santé représente déjà 8 % des émissions locales, supérieur au trafic fluvial. Un comité « Green Care » pilote la réduction des déchets médicaux ; mise en place de stérilisations basse énergie et de flacons recyclables dans trois services pilotes.
Regard personnel
En neuf ans d’observation du terrain bordelais, je n’avais jamais perçu une telle effervescence. Technologies de rupture, maillage de soins primaires repensé, conscience écologique montante : la santé à Bordeaux se réinvente sous nos yeux. Reste à résoudre la tension humaine, nerf de la guerre hospitalière. Vous vivez ou travaillez dans la métropole ? Continuez de surveiller nos chroniques “pharma”, “e-santé” et “bien-être” : les prochains mois promettent encore des annonces majeures que nous décortiquerons pour vous.
